« RDC : La candidature de Joseph Kabila en 2028, une rupture avec le M23 et un repositionnement stratégique ? »[Tribune de Noel Nzogu, Chroniqueur politique]
L’annonce de la candidature de Joseph Kabila Kabange à la Présidentielle de 2028, portée par un nouveau mouvement politique dénommé « Sauvons la RDC » depuis Nairobi, soulève une onde de choc politique et diplomatique.
Pour de nombreux observateurs, cette sortie inattendue de l’ancien président congolais est bien plus qu’un simple retour sur la scène politique : elle pourrait marquer une inflexion stratégique vis-à-vis du M23, groupe armé accusé d’être soutenu par le Rwanda, et dont les positions s’étaient renforcées dans l’Est du pays au fil des dernières années.
1. Le timing et le lieu : un message subtil
Faire cette annonce depuis Nairobi, capitale d’un pays impliqué dans le processus de paix de l’Est (Processus de Nairobi), est hautement symbolique. Cela peut être vu comme une volonté de se repositionner sur l’échiquier régional, et de prendre ses distances avec les accusations persistantes de connivence passée entre certains anciens régimes congolais et les groupes rebelles de l’Est, notamment le M23.
2. Une ligne de fracture avec le M23 ?
Le M23 a récemment durci sa position, réclamant une transition politique immédiate en RDC, sans attendre la fin du mandat du président Félix Tshisekedi. En annonçant une candidature dans le cadre institutionnel de 2028, Joseph Kabila rejette implicitement toute tentative d’alternance par la force ou par les armes. C’est là un message de rupture claire avec les logiques de belligérance : il mise sur les urnes, non sur l’insurrection.
De plus, en se détachant de son ancien parti PPRD et en créant un nouveau mouvement, Kabila semble vouloir se réinventer politiquement, loin des alliances douteuses et d’un passé de compromission.
3. Une stratégie de reconquête par le nationalisme ?
Le nom du mouvement « Sauvons la RDC » évoque une rhétorique de redressement national face au chaos. Joseph Kabila tente ainsi de se repositionner comme l’homme providentiel face à la crise sécuritaire, économique et identitaire que traverse le pays. Il veut se présenter non plus comme l’ancien président affaibli, mais comme le patriote revenu d’un exil volontaire pour empêcher la balkanisation.
4. Son positionnement vis-à-vis de Tshisekedi
Jusqu’ici, Joseph Kabila est resté silencieux ou mesuré face au régime de Félix Tshisekedi. En annonçant une candidature officielle, il rompt ce silence et s’oppose désormais frontalement au régime actuel, tout en le délégitimant sur sa capacité à ramener la paix. Il n’appelle pas à la rupture de l’ordre républicain, mais propose une alternative politique, ce qui peut séduire à la fois les partisans du changement et les nationalistes inquiets.
5. Et la communauté internationale ?
Ce repositionnement pourrait aussi viser à rassurer la communauté internationale, qui condamne toute tentative de prise du pouvoir par les armes. Kabila, en optant pour la voie démocratique, tente de réhabiliter son image, longtemps entachée par des accusations de corruption, de verrouillage politique et d’ambiguïtés vis-à-vis des groupes armés.
Conclusion
L’annonce de la candidature de Joseph Kabila pour 2028, via son nouveau mouvement « Sauvons la RDC », s’apparente bien à un renoncement tacite à toute alliance stratégique avec le M23. Elle marque un retour sur la scène politique nationale sous un angle institutionnel, républicain et patriotique, en opposition aux agendas rebelles.
Mais cette stratégie n’est pas sans risques : Kabila devra convaincre qu’il est l’homme du renouveau, et non celui d’un passé que beaucoup veulent oublier. Sa capacité à mobiliser l’opinion et se détacher de ses zones d’ombre sera déterminante d’ici 2028.
Noel Nzogu, Journaliste Chroniqueur Politique
