« De la Foi à l’Ingérence : Les Églises catholique et protestante, nouveau M24 ? »[39e Tribune de l’Ambassadeur Jean Thierry Monsenepwo]

La République Démocratique du Congo traverse l’un des chapitres les plus sombres de son histoire contemporaine. Chaque jour, des familles pleurent des enfants arrachés à la vie par la barbarie du M23, des femmes portent les stigmates indélébiles des violences sexuelles, et des villages entiers sont réduits à des cendres, sous le regard indifférent de ceux qui prétendent prêcher la paix.
Face à cette agression rwandaise, face à la douleur d’un peuple saigné à blanc, l’unité nationale devrait être notre rempart, notre ultime refuge. Pourtant, une initiative aussi déroutante que préoccupante émerge : celle des Églises catholique et protestante, se lançant dans une médiation parallèle, hors de tout mandat institutionnel.
Quand la Foi Dévie de sa Mission
Dans un État laïc, les Églises ont un rôle noble : celui d’élever les consciences, de panser les plaies de l’âme, et de guider les fidèles sur le chemin de la justice et de la vérité. Elles sont les voix de l’espérance, non des acteurs politiques déguisés en arbitres des conflits armés. Pourtant, voilà que des prélats, drapés de leur autorité morale, s’érigent en médiateurs d’une crise qui dépasse le cadre spirituel.
Le porte-parole du gouvernement a été clair : aucune mission de médiation n’a été confiée à ces entités par le Chef de l’État. Cette précision n’est pas anodine. Elle rappelle un principe sacré de notre démocratie : la gestion des affaires de l’État appartient aux institutions souveraines, non aux chaires des cathédrales ni aux tribunes des temples.
Dialoguer avec les Bourreaux : Une Trahison de la Mémoire Collective
Ce qui indigne, au-delà de l’audace, c’est l’aveuglement moral de cette démarche. Car il ne s’agit pas ici de simples pourparlers diplomatiques ; il s’agit d’une volonté affichée de rencontrer des criminels de guerre. Faut-il rappeler que le M23 n’est pas un groupe d’opposants politiques, mais une organisation terroriste responsable de massacres, de viols, d’enrôlements d’enfants soldats et d’actes de barbarie qui crient vengeance jusqu’au ciel ?
Faut-il aussi rappeler que Paul Kagame, avec qui ces prélats envisagent de s’entretenir, porte la lourde responsabilité d’un génocide à ciel ouvert en RDC, un bilan de morts congolais qui fait frémir l’Histoire elle-même ? Peut-on imaginer un instant des évêques de Kiev aller négocier avec Moscou, en dehors du gouvernement ukrainien, pendant que les bombes continuent de pleuvoir sur leurs concitoyens ? Cela semble impensable. Pourquoi la RDC devrait-elle tolérer une telle aberration ?
Un Schisme Inédit : L’Église Contre Son Peuple
Ce qui se joue ici dépasse le cadre politique : c’est une rupture symbolique entre l’Église et le peuple congolais. Un schisme inédit, non pas théologique, mais moral et émotionnel. Jadis refuge des opprimés, voix des sans-voix, l’Église apparaît aujourd’hui comme une institution déconnectée des réalités du terrain, insensible aux cris des orphelins et au sang versé sur la terre de nos ancêtres.
Comment expliquer à une mère de Goma, dont l’enfant a été exécuté par le M23, que les pasteurs et les évêques vont tendre la main aux assassins de son fils au nom d’un “dialogue” ? Comment apaiser le cœur d’un soldat des FARDC, prêt à mourir pour la patrie, quand il voit ceux qui devraient bénir sa cause légitimer, par des rencontres diplomatiques, ceux qu’il combat au péril de sa vie ?
L’Heure de la Clarté et de la Responsabilité
L’Église doit se ressaisir. Son rôle n’est pas de négocier avec les bourreaux de la nation, mais d’être la boussole morale de ceux qui luttent pour la justice et la paix. Le véritable dialogue, celui qui construit des nations et guérit les blessures, ne peut se faire dans le mépris des institutions légitimes de l’État. Il doit s’inscrire dans l’accompagnement des efforts de paix conduits par ceux qui ont reçu le mandat du peuple.
La RDC n’a pas besoin de dialogues illégitimes, d’initiatives parallèles qui fragilisent la cohésion nationale. Elle a besoin d’unité, de fermeté, et d’une solidarité sans faille derrière ses institutions républicaines et ses forces de défense. Que chacun reste à sa place : les soldats au front, les diplomates aux négociations, et l’Église auprès du peuple, pour le consoler, l’élever et le fortifier dans sa foi en des jours meilleurs.
La dignité d’un peuple ne se négocie pas. Elle se défend. Avec courage, avec conviction, et avec la vérité pour seule boussole.
Ambassadeur Jean Thierry Monsenepwo